Déclaration
de l’honorable Denis Paradis
Secrétaire d’État pour l’Amérique Latine et l’Afrique
à la
XXIXe Session Extraordinaire de l’Assemblée Générale
de l’Organisation des États Américains
Washington le 18 avril
2002
Permettez-moi, pour commencer, de remercier le secrétaire général de
son rapport sur la mission au venezuela qu’il a dirigée plus tôt cette
semaine, dans le cadre du mandat de la résolution 811 du conseil
permanent de l’OEA. Ce rapport brosse un tableau inquiétant de la
situation au venezuela et donne une orientation opportune aux
délibérations que nous tenons ici, aujourd’hui.
Le
canada est resté solidaire des états membres de l’OEA lors de
l’invocation de l’article 20 de la charte démocratique interaméricaine
et de l’adoption de la résolution 811 qui a condamné la tentative de
coup d’état – ou, pour recourir au texte de la charte que reflète la
résolution, qui a condamné « l’altération de l’ordre constitutionnel
au venezuela ».
Je
dois souligner que cette toute première invocation de la charte
démocratique récemment adoptée a touché de près le canada et les
canadiens. En effet, c’est à Québec, lors du sommet des Amériques, il
y a à peine un an, que tous nos pays se sont unis, dans un effort
historique, pour protéger davantage la démocratie dans notre
hémisphère. Dans la déclaration du sommet de Québec, nos dirigeants
ont incorporé une clause démocratique et, comme mesure additionnelle,
ont confié à l’OEA le mandat d’élaborer la charte démocratique
interaméricaine – mécanisme sans précédent dans le monde entier. Nous
avons alors franchi une étape importante dans l’histoire des
Amériques.
C’est, en fait, une profonde réflexion sur nos engagements communs à
l’égard de la démocratie qui a conduit à une élaboration et à une
adoption rapides de la charte, moins de cinq mois plus tard, le 11
septembre, à lima, au Pérou. Comme nous le savons, toutefois,
l’adoption de la charte a été assombrie par les événements tragiques
survenus, ce jour-là, ici même à Washington et à New York.
À
peine sept mois après son adoption et seulement un an après le sommet
de Québec, un autre événement regrettable dans notre hémisphère a
ramené la charte au premier plan. Avec la tentative de coup d’état au
venezuela, nous avons été témoins du rôle totalement inapproprié et
inacceptable que jouent les forces armées dans tout ordre
démocratique. Selon les termes employés par le représentant permanent
du canada, tôt le 13 avril, devant le conseil permanent de l’OEA, nous
avons vu également des autorités intérimaires n’ayant aucune
légitimité démocratique, que ce soit dans la manière dont elles ont
assumé le pouvoir ou dans les mesures qu’elles ont prises depuis leur
arrivée au pouvoir – à savoir, le rejet des institutions
démocratiques.
Grâce à la résolution 811, on a invoqué la charte et pris des mesures
de suivi. Je crois que nous pouvons légitimement dire que la pression
qu’a exercée l’invocation de la charte par l’hémisphère a été l’un des
facteurs qui ont influé sur le cours des événements au venezuela et
ont conduit à la fin de la tentative de coup d’état. Avec la
résolution 811, la charte a triomphé de sa première épreuve.
Par
ailleurs, la tentative de coup d’état a amené le canada, en sa qualité
de président du processus du sommet des Amériques, à songer
sérieusement à invoquer la clause démocratique, qui stipule que «
toute altération ou interruption inconstitutionnelles de l’ordre
démocratique dans un état de l’hémisphère constitue un obstacle
insurmontable à la participation du gouvernement de cet état au
processus du sommet des Amériques ». Avec le retour de l’ordre
constitutionnel au venezuela, il n’est donc plus nécessaire d’invoquer
la clause démocratique ou son corollaire – l’article 19 de la charte
démocratique.
J’aimerais maintenant que nous détachions notre attention des
décisions qui ont été prises au cours des derniers jours pour nous
concentrer sur celles que nous sommes sur le point de prendre ici,
aujourd’hui. Nous devrions nous rappeler que l’esprit qui a animé le
sommet de Québec, ainsi que l’élaboration de la charte démocratique et
son adoption à lima, était de renforcer et de protéger la démocratie.
Il est donc particulièrement décevant que la première invocation de ce
mécanisme ait été de nature punitive, en réaction à une agression
caractérisée contre les processus et les institutions démocratiques
dans un état membre.
Permettez-moi d’attirer votre attention sur le fait que la charte
démocratique a été, en grande partie, construite autour d’un éventail
de mesures de nature fondamentalement préventive et corrective, plutôt
que punitive. L’espoir le plus profond que nourrit le canada est que
nous ne connaissions plus, à l’avenir, de situations exigeant
l’invocation de la charte à des fins punitives, mais plutôt pour
inviter l’OEA à dispenser aide et expertise par des mesures
préventives et correctives susceptibles de renforcer davantage la
démocratie.
C’est dans cette phase préventive et corrective que nous nous trouvons
aujourd’hui. Les événements de ces derniers jours ont souligné la
fragilité de la démocratie au venezuela et la menace de violence
sous-jacente. C’est la raison pour laquelle le canada encourage le
venezuela à profiter de l’aide mise à sa disposition par
l’intermédiaire de l’OEA, y compris le soutien institutionnel et
technique que peut fournir l’unité pour la promotion de la démocratie.
À cet égard, nous envisageons avec satisfaction la visite que doit
faire au venezuela la commission interaméricaine des droits de
l’homme, à l’invitation du gouvernement vénézuélien, et espérons
qu’elle sera effectuée avec célérité.
Le
canada est déterminé à accompagner le venezuela, par le biais de l’OEA
et des mécanismes dont elle dispose, qui sont énoncés dans la charte
démocratique interaméricaine, dans la prise de mesures nécessaires
pour renforcer davantage sa démarche et ses institutions
démocratiques.
Conformément aux principes démocratiques inscrits dans la charte
démocratique, ainsi qu’à l’application régulière de la constitution
vénézuélienne, nous espérons constater des progrès rapides et soutenus
dans un certain nombre de domaines essentiels. Ce sont, notamment :
Le
respect des libertés fondamentales et, en particulier, de la liberté
d’expression et de relation avec les médias;
Le respect de l’autonomie des institutions et le
renforcement de ces dernières en vue d’assurer la séparation des
pouvoirs;
et
l’instauration au sein de la société vénézuélienne d’un climat
favorable à la prise de décisions par consensus.
Ce n’est que par un engagement profond du président
Chavez et de son gouvernement à réaliser des progrès rapides et
soutenus dans ces domaines qu’une démocratie viable et stable peut
être activement promue au venezuela. Cependant, l’engagement commun de
tous les états membres de l’OEA de voir une telle démocratie
s’épanouir au venezuela jouera également un rôle important en veillant
à ce que cela se concrétise.
C’est dans cet esprit que le canada propose que nous
adoptions rapidement une résolution qui reflète cet engagement et qui
soit de nature à soutenir concrètement la démocratie au venezuela.